Tourisme autochtone et développement en pays batwa
Martin Pongo Kalulambi
Editeur: Karthala
L’activité touristique sur les sites de l’espace pygmée en RD Congo est, depuis quelques années, « vendue » par les opérateurs touristiques comme une expérience de découverte d’un monde perdu, « primitif » ou même « non contaminé ». Le triangle Mbandaka – Bikoro – Inongo, sur lequel cet ouvrage projette le regard, dévoile la manière dont les communautés pygmées batwa répondent aux besoins touristiques de leurs visiteurs en mal de découverte culturelle. Elles n’exhibent ni monuments ni littérature, mais plutôt des objets symboliques, des savoirs et des savoir-faire traditionnels en matière de pêche et de chasse, d’artisanat, d’utilisation culturelle des végétaux et de conservation de la forêt. Elles s’évertuent avec fierté à la présentation des sites naturels, des arts culinaires et vestimentaires, des merveilleux attributs du pouvoir traditionnel, des cosmogonies, des rituels, des chants et des danses, y compris diverses variétés linguistiques.
À ce jour, la rencontre touristique entre les visiteurs et les Batwa est réduite à des visites de sites et aux diverses expressions culturelles. Elle n’a débouché ni sur un tourisme culturel durable ni sur la « commodification » qui transforme ces ingrédients culturels en marchandises touristiques consommables et rentables. De quelle manière les peuples pygmées de la RD Congo pourraient-ils enclencher un tourisme viable et bénéfique sur un marché touristique congolais, aujourd’hui disputé par les opérateurs touristiques, les voyagistes étrangers et congolais ?
S’impose pour cela la mise en branle d’un tourisme autochtone qui nécessite, entre autres choses, la volonté et l’implication directe des Batwa dans le processus de développement touristique, la collaboration de divers autres acteurs, le soutien et l’accompagnement de l’État. De cette manière, les communautés batwa anticiperaient les attentes des touristes et se donneraient la possibilité d’être les acteurs de leur propre changement. Elles renverseraient le développement du tourisme exogène contrôlé par le haut, au profit d’un développement touristique endogène intégré et dument maîtrisé, repensé en termes de réappropriation des espaces, des ressources et des valeurs, dans et par le vécu quotidien des individus et des communautés.