C’est là-bas est une libre évocation de l’Orient, et en particulier de l’Inde. Par touches impressionnistes peu à peu articulées, le récit élabore un pays imaginaire et ses traditions: l’Indrastan, avec ses géographes, ses conteurs, ses philosophes et ses dramaturges. Tous sont bien sûr fictifs – des fictographies –, et reposent sur une érudition fantaisiste ; en vain le lecteur y chercherait des informations objectives, ou une confirmation de ce qu’il sait déjà.
Mais l’Inde est ici. On la trouvera dans le foisonnement et l’énergie du récit. Elle nous appelle dans le rythme même de l’écriture, qu’alimentent les images baroques, les bribes de légendes, les études inventées d’où émerge peu à peu l’histoire du géant Vigg et de son ami Ajjit.
C’est donc un roman, C’est là-bas, mais un roman de la pensée, dont les mots se réveillent au contact d’un autre réel, et qui, en contrepoint, témoigne de la pesanteur de nos sociétés, de l’anonymat de leurs villes, et de nos esprits tout aussi cloisonnés.
C’est surtout un élan vers ce pays lointain où tant de voyageurs ont cru – avec raison ? – être enfin arrivés chez eux.
Marc Jaffeux a publié en 2015 Étymologie d'une dictature. Il est aussi l’auteur de pièces de théâtre, de pièces radiophoniques (France Culture, Radio Suisse Romande), ainsi que d’une vingtaine de livrets pour la musique contemporaine. Il co-traduit du danois la poésie de Marianne Larsen. Ses récits interrogent les liens multiples du réel aux mots, à leur poésie ; ils sont souvent pluriels, partagés entre plusieurs approches, comme si le fait d’écrire était lui-même devenu fiction.