Tout ce qui est sans chair et sans émotion vraie en prend pour son grade dans cette œuvre truculente.
Plus que jamais, dans notre société qui court-circuite l’être, le monde réel, (et nous avec) est mis au placard.
René Daumal décrit l’intérieur de ce placard avec sa population de
– découpeur de poil de lapin en quatre : les Scients
– aplatisseurs de mots en galette fine... mais étendue : les Sophes
– extracteurs de bout de pensée à projeter sur une toile, du bronze ou même du néant : les fabricateurs d’objets inutiles.
Mais il ne se contente pas de cela (ce n’est pas un re-bêle), il nous donne aussi des pistes pour en sortir... de ce placard et retrouver l’espace libre où étendre nos bras, nos émotions, nos pensées.
« La grande beuverie » (1938), est l’un des deux seuls textes publiés du vivant de l’auteur qui reste toujours en France un auteur trop méconnu et pourtant majeur.
En quête de « l’au-delà du réel », René Daumal essayera de nombreux « véhicules » de « sublimation de la pensée » : éther, opium, et même du tétrachlorure de carbone, le produit chimique utilisé par les entomologistes pour conserver les papillons morts. Dans la misère, il décédera de la tuberculose à trente-six ans, nous laissant ce texte parfois abscons et soudain criant de vérité, entre surréalisme et anticipation, bercé d’humour aussi, un peu à la manière d’une BD de SF, « La grande beuverie » n’a rien d’un roman éthylique et invite le lecteur à une expérience de lecture unique, comme à une vision quasi prophétique, ou en tout cas extrêmement lucide sur les préoccupations de notre monde actuel.
Édition relue, corrigée, mise en forme et enregistrée au Format professionnel électronique © Ink Book édition.