Dans les années soixante-dix, les organismes internationaux prennent le relais des États du tiers monde pour soutenir et contrôler les politiques agricoles qui ont précédemment échoué. En Côte-d'Ivoire, la Banque mondiale finance un ambitieux projet de la Compagnie ivoirienne pour le Développement des Textiles (CIDT) : introduire la culture attelée, intensifier les cultures vivrières et rendre les champs permanents dans le Nord-Ouest ivoirien. Ce livre retrace les débuts (1974 à 1978) de la passionnante aventure de paysans qui, dans une région faiblement peuplée, ont élaboré des systèmes agraires en harmonie avec l'environnement. Opérant un tri dans la panoplie technologique proposée par la CIDT, ils restent à l'affût de ce qui améliorera leur niveau de vie ou l'organisation de leur travail. Mais les nouvelles techniques contribuent à accentuer les différenciations socio-économiques ; la stabilisation des cultures demeure encore une chimère, pour la CIDT comme pour les paysans, et, dans ces conditions, le bulldozer ravage les sols ; la concurrence vivriers-coton n'est pas un vain mot quand c'est une société cotonnière qui se charge de promouvoir le riz et le maïs ; l'installation récente des Peul et de leurs zébus chassés du Sahel par la sécheresse suscite des projets de développement contraignants, pour les éleveurs comme pour les paysans ; les villes attirent les jeunes aussi... Tout bouge, la voie du développement n'est décidément pas aussi clairement tracée que le croyait la CIDT, mais la culture attelée est adoptée et la puissante volonté de progrès des paysans ne laisse pas indifférent. Quinze ans ont passé. De nouvelles études de l'ORSTOM cherchent à saisir l'évolution actuelle : l'ajustement structurel sévit ici comme ailleurs dans le tiers monde, les charrues sont toujours là, mais il n'y a plus l'aide de l'État comme dans les années soixante, plus d'aide internationale comme dans les années soixante-dix, les paysans se trouvent seuls à inventer leur avenir.