Le cadi est une figure emblématique des sociétés musulmanes prémodernes. Savant, juge, administrateur de biens, il incarnait plus que toute autre institution le règne d’un ordre social fondé sur les préceptes de l’islam. Les anciens développements de la judicature musulmane, aux VIIe et VIIIe siècles, demeurent pourtant empreints de mystère. Comment rendait-on la justice aux premiers temps de l’Islam, avant que le droit musulman n’acquière les structures pérennes offertes par les écoles juridiques classiques ? Est-il possible de retracer les étapes de développements régionaux ? Quel rôle le pouvoir et les savants jouèrent-ils dans la formation de l’institution ? En quoi la judicature musulmane est-elle liée aux autres systèmes judiciaires de l’Antiquité tardive ou des débuts de l’Islam ? Mathieu Tillier livre ici les résultats d’une plongée au cœur des sources les plus anciennes du Proche-Orient islamique, croisant papyrus arabes, droit musulman archaïque et textes canoniques syriaques. Cette quête des dynamiques qui présidèrent à l’épanouissement de la judicature musulmane fait apparaître une image nouvelle des tribunaux qui se partageaient le jeune empire islamique. Elle met par ailleurs en lumière le processus dialectique de formation des pensées juridiques proche-orientales, qui s’élaborèrent non seulement au gré d’interactions entre savants d’une même confession, mais également en lien avec le droit des communautés dont ils tentaient de se distinguer.