Rebattons les cartes. Le Sahara est au Nord. Son rivage, le Sahel, coupe l’Afrique en deux, de l’Atlantique à la mer Rouge. En son centre, le lac Tchad est le lieu de rencontre de migrants, transhumants, marchands et pèlerins venus des quatre coins du continent. Cette région, plus connue aujourd’hui pour les exactions de Boko Haram, fut à l’époque moderne un carrefour majeur dans les échanges économiques, humains et culturels du Sahel et du Sahara, jusqu’à la Méditerranée. C’est là que, à la croisée du Niger, du Nigeria, du Tchad et du Cameroun actuels, la dynastie des Sefuwa pose les bases d’un État islamique puissant : le sultanat du Borno. Parcourant et organisant leur territoire, entreprenant au péril de leur vie le pèlerinage à La Mecque, les sultans du Borno s’affirment aux xvie et xviie siècles comme des interlocuteurs essentiels dans le monde musulman. Un imam de la cour, A?mad b. Fur?u, nous a livré un témoignage exceptionnel de ce chapitre de l’histoire de l’Afrique, à travers le récit des quinze premières années du règne du sultan Idris b. ‘Ali (1564-1596), plus connu sous le nom d’Idris Alawma. Loin des idées reçues, son témoignage donne un éclairage saisissant sur le fonctionnement d’un état sahélien à l’époque moderne et sur ses relations avec le monde qui l’entoure. C’est en embrassant son regard et en prenant en compte les dynamiques environnementales, sociales et politiques que cet ouvrage cherche à redonner au sultanat du Borno sa place dans le monde, du lac Tchad à La Mecque.