Du dispositif clinique de Léonce Perret dans Les Mystères des Roches de Kador (1913) aux labyrinthes lynchiens d’Inland Empire (2006), de secrètes résonances relient des films que tout, de leur régime d’images à leur forme de récit ou à leur inscription culturelle, contribue à éloigner. Ils se nourrissent pourtant d’une même énergie créatrice en puisant, selon des modalités et un travail très différents, aux puissantes fantasmagories du rêve. On pourrait croire que l’essentiel a été dit, et bien dit, des liens rhétoriques et poétiques que le cinéma entretient avec l’onirisme et ses territoires mitoyens – fantasmes, hallucinations, images obsédantes, effets hypnotiques -, alors même que des approches nouvelles font retour aujourd’hui – notamment sur le freudisme – pour inventer et proposer des voies et des concepts inédits à la mesure d’un champ créatif et théorique en constante mutation. Autour du prisme du rêve, vu comme trompe-l’œil et simulacre ou comme expérience poétique et figurale, c’est donc l’horizon le plus avancé des études filmiques qui se dessine ici. L’entretien final de Marie Martin et Raymond Bellour inscrit ce recueil dans la perspective qui est la sienne : questionner le rêve « aux fins d’une histoire de la théorie du cinéma », histoire inséparable de celle de la création contemporaine, sur fond d’orage, de métamorphoses et d’inquiétante étrangeté...