L’image complaisamment entretenue d’un utopiste généreux mais ridicule a fait longtemps écran à une lecture impartiale des projets de l’abbé Castel de Saint-Pierre. Ce volume le situe parmi les réformateurs, qui, à la fin du règne de Louis XIV, proposaient une profonde réorganisation du monde politique. Ses écrits y sont étudiés comme un ensemble cohérent destiné à répondre à une crise aiguë de la monarchie par la réforme d’un appareil d’État désormais soumis à de nouveaux critères de compétence. De la diplomatie et des conditions de la paix à la fiscalité et au commerce, de l’éducation, de l’orthographe, à la proposition d’un nouveau mode de recrutement et de formation des élites politiques et culturelles, tout chez l’abbé de Saint-Pierre s’ordonne à l’idée forte d’une réforme en profondeur de l’absolutisme, « pour le plus grand bonheur du plus grand nombre ».