Le Piège de l’orgueil, paru en langue arménienne à Madras sous la signature de Hakob Chahamirian et portant la date de 1773, est un ouvrage déroutant au premier abord, d’autant qu’il est plus souvent cité qu’étudié. Il connaît un regain d’intérêt depuis l’indépendance de la République d’Arménie (1991), où il est souvent revendiqué comme la première Constitution républicaine au monde. Malgré cela, il demeure méconnu car il en existe peu d’exemplaires, peu de traductions et peu d’études systématiques. Le Piège appelait donc une traduction en langue occidentale pour en permettre l’examen par un plus large public, ainsi qu’un appareil critique s’efforçant d’en faciliter la compréhension. Mis en relation avec son corpus accompagnateur, l’ouvrage jette un éclairage sur de multiples aspects de l’histoire des Arméniens au XVIIIe siècle et en particulier sur la tentative intellectuelle et politique d’une petite nation pour accéder à la liberté politique malgré une position géopolitique défavorable. Ce texte foisonnant apporte des connaissances factuelles sur l’histoire politique, économique, sociale et intellectuelle des Arméniens, en faisant apparaître à quel point les colonies excentrées ont été attentives aux nouvelles idées et aux nouvelles techniques, favorisant leur diffusion dans le monde arménien tout entier. Il montre aussi la stratégie intellectuelle et politique de certaines élites arméniennes pour utiliser ces nouveaux acquis au profit d’une aspiration plus ancienne et plus profonde à l’autodétermination et, dans le cas précis du Piège, à élaborer un modèle d’État de droit tout en menant une action politique et diplomatique pour le réaliser à la faveur des évolutions en cours dans le Caucase.