Ce livre propose de faire un double pari qui permet de renouveler les perspectives classiques sur le tourisme et le patrimoine au Maghreb et en Méditerranée : d’une part, considérer le tourisme dans les anciennes colonies françaises nord-africaines et au-delà comme une des déclinaisons de la « situation coloniale » décrite par Georges Balandier et en décrire les implications politiques ; d’autre part, réévaluer les conséquences de la naissance et du développement concomittants des pratiques touristiques et de l’institution du patrimoine culturel autour de la Méditerranée, qui sont souvent pensées comme des champs séparés. Fruits de rencontres et de collaborations internationales nouées au début des années 2000, les travaux réunis ici dessinent le paysage complexe, à la fois politique, idéologique et imaginaire, dans lequel une multiplicité d’acteurs, de représentations concurrentes du passé et de stratégies économiques ont continuellement forgé des usages du patrimoine et des politiques touristiques, depuis la période précoloniale jusqu’au moment des contestations des « printemps arabes ». Ces dynamiques ont eu, et ont encore, une influence déterminante sur la structuration des sociétés locales et les circulations internationales. Pour saisir cette complexité, plusieurs perspectives disciplinaires – histoire, histoire de l’art, anthropologie – se sont associées autour d’une même ambition. Par la description fine de leurs usages et de leurs représentations des espaces, des biens et des cultures, il s’agit d’analyser comment des pouvoirs institués, des individus impliqués, des visiteurs curieux pouvaient parcourir des lieux et produire des narrations du passé. Il fallait pour cela croiser les points de vue de ces voyageurs que les sources nomment parfois touristes avec ceux des acteurs patrimoniaux qui voulaient, et veulent encore, construire le champ culturel du Maghreb. Loin de se vouloir exhaustif, le présent volume offre des perspectives de réflexion dans trois domaines : patrimonialisation et mise en tourisme du passé antique dans la Tunisie coloniale, production de l’architecture touristique maghrébine et ses liens avec le patrimoine vernaculaire, usages culturels et touristiques des biens et des pratiques religieuses.