L’autorité, thème majeur de la philosophie politique, apparaît comme un mystère (ou une mystification) dans nos sociétés modernes où l’on déplore (ou célèbre) sa disparition, au moment même où les « relations de pouvoir » paraissent s’imposer dans certaines théories comme la clé ouvrant toutes les portes du savoir sociologique, par ses capacités infinies de dévoilement des intérêts cachés au cœur de toute relation sociale. Pourtant, à l’issue d’un examen approfondi, réunissant des lieux aussi divers que la Chine, l’Inde, la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-Guinée, les Philippines, la Russie, la Tunisie et Wallis, des sociétés aux régimes politiques allant de l’empire à la « société sans État » en passant par la démocratie et des religions allant de l’islam au chamanisme, l’autorité se révèle être une dimension nécessaire et consubstantielle à la vie sociale, articulant et ordonnant les valeurs fondamentales qui régissent la pensée et l’action collectives. En plaçant chaque forme d’autorité observée dans le tout de chaque culture, ce travail dégage non seulement certaines conclusions quant à la nature de l’autorité, mais invite également à des considérations méthodologiques générales en soulignant les impasses des « anthropologies potestatives » pour lesquelles seuls les rapports de pouvoir sont au fondement de l’ordre social.