Nous savons, au moins depuis l’abbé Cochet que le sol est un livre d’histoire, mais il nous a fallu très longtemps pour nous en convaincre. Les prêtres égyptiens qui interprétaient les inscriptions des plus anciennes dynasties, les souverains mésopotamiens qui faisaient rechercher dans le sol statues et briques de fondation, les empereurs chinois qui collectionnaient les vases de bronze des périodes protohistoriques voyaient tous dans la maîtrise du passé le garant du pouvoir et de la distinction.Le goût pour les antiquités est donc aussi vieux que l’antiquité, d’où les collections innombrables qui ont précédé l’archéologie moderne. Pourtant l’archéologie funéraire est somme toute d’invention récente. Ce n’est qu’avec Montelius qu’elle a commencé à prendre place dans le corps des disciplines savantes. Montelius n’a pas découvert la typologie, mais il l’a établie en discipline pratique : un système de comparaison qui installe entre chaque objet une distance susceptible d’être mesurée et exprimée en unité de temps. Le génie de Montelius a été de découvrir le rôle des ensembles clos dans l’établissement des typologies. De là le succès de l’archéologie des tombes qui n’est pas encore l’archéologie funéraire. Celle-ci s’impose quand l’archéologue associe à la typologie l’étude des dispositifs funéraires qui accompagnent l’enfouissement de ce qui reste des défunts. En Italie du Sud, Paolo Orsi a montré le premier ce que la connaissance des sépultures pouvait apporter à l’histoire des populations. Plus près de nous, les travaux de G. Buchner et D. Ridgway à Ischia, ceux de B. d’Agostino à Pontecagnano ont prouvé que la précision des relevés et l’analyse typologique des séries homogènes de sépultures étaient susceptibles de contribuer à une histoire sociale des coutumes funéraires. L’entreprise de P. Ruby est plus modeste.Le Crépuscule des marges est d’abord l’étude minutieuse d’une centaine de tombes de la nécropole de Sala Consilina. Ce site qui occupe dans la géographie de la Magna Grecia une position stratégique a livré une des plus significatives séries de tombes jamais découvertes en Italie du Sud. Dans la continuité des travaux de Klaus Kilian et de Juliette de La Génière, Pascal Ruby a tenté d’associer une description systématique des séries, à une analyse topographique de la relation des tombes avec l’habitat. En dressant un tableau original des échanges culturels en Italie méridionale à l’Age du fer il nous propose une interprétation historique qui suscitera de légitimes débats.