Quand Voltaire débarrassait la scène des Comédiens-Français, un équilibre nouveau s'imposait entre la scène et la salle. L’auteur devait charger la mémoire des comédiens d’un faisceau de recommandations destinées à conjurer un vide soudainement révélé. Aux premiers temps du Théâtre-Libre, André Antoine devait retrouver le problème du côté du metteur en scène. Le texte théâtral ne se réduit donc pas au texte littéraire. Alors, doit-on, peut-on conserver l’éphémère de la représentation ? D’entrée de jeu, le choix est inéluctable. Au xixe siècle, les régisseurs de théâtre, en ordre dispersé, relèvent le défi. Ils ouvrent entre Paris, la province et l’Europe les chemins divers du nouveau théâtre français. Mutualistes convaincus, ils constituent une association en 1911. Ils décident alors de projeter, dans une période économique difficile, qui aurait pu inciter au repliement sur les soucis quotidiens, une Bibliothèque de mises en scène dramatiques et lyriques qui va favoriser la circulation des œuvres. Ils créent un véritable instrument de travail pour le technicien ou pour le chercheur. Ils servent ainsi l’avènement du metteur en scène et le triomphe de la mise en scène de création qui les entraînent à un professionnalisme croissant. Parallèlement, une distinction stricte s’opère entre le matériel « historique », toujours emprunté, et le dépôt légal de la création soumis progressivement à une règlementation rigoureuse. La Bibliothèque de mises en scène témoigne de la validité du choix initial, professionnel et résolument ouvert à des professionnels. L’ouvrage de Françoise Pélisson-Karro, conservateur en chef honoraire de la BnF, invite à entrer dans cet univers où se posent des problèmes, intellectuels et humains, qui nous concernent encore aujourd’hui.