Un essai pionnier pour aborder, dans leur particularité hispanique, quelques aspects des peurs sociales dans l'Espagne des xvie et xviie siècles. Peurs socio-collectives, d'abord. Le Juif en est le tout premier objet de fixation, aussi bien à travers les menaces que font peser l'hérésie illuministe ou les révélations infamantes des libelles généalogiques que dans les dangers dont sont porteurs, pour la « Nation », les « nations étrangères » faites de conversos mais aussi de morisques ou de protestants. Le Saint-Office, en réalité, a fort à faire, redoublé qu'il est sur le plan civil par la Santa Hermandad, terrifiant organisme policier et judiciaire, qui essaie bientôt de se survivre dans une impitoyable chasse aux gitans. D'autres peurs, pourtant, font trembler l'Espagnol du Siècle d'Or. La crainte d'un écroulement de la société d'ordres désigne le parvenu comme la bête noire, tandis que, sur un plan plus socio-individuel, le gentilhomme connaît les affres d'un choix de valeurs entre loi mondaine et loi évangélique. Pour les conjurer, il trouvera l'appui des casuistes, champions de la voie médiane, à mille lieues de la synthèse tout à fait originale qu'élabore Thérèse d'Avila afin de répondre aux exigences de son angoissante passion de l'honneur. Réponse très personnelle, qui introduit à une nouvelle dimension, plus intime, de la peur : celle qu'éprouve l'homme devant la femme, c'est-à-dire la peur de l'amour.