Les champs théoriques autant que les univers concurrentiels en viennent à développer des schémas cognitifs partagés qui prennent les traits d’évidences difficiles à bousculer. Une d’elles en management stratégique est de considérer que les comportements d’innovation stratégique proviennent pour l’essentiel d’organisations extérieures au champ concerné. Dans les écrits de Schumpeter, l’innovation (ou les « réponses créatrices ») prend forme dans la création d’entreprises ex nihilo – ce qui s’inscrit dans un contexte. L’auteur reconnaît toutefois que : « Tout est différent dans un capitalisme “de trust“ [trustified]. L’innovation n’est, dans ce cas, pas typiquement incorporée dans de nouvelles entreprises, mais progresse à l’intérieur des grandes unités en présence, d’une manière largement indépendante des personnes individuelles » (1928, p. 384)112. La contribution de Charles Baden-Fuller et John M. Stopford – Rejuvenating the Mature Business (1992 [1996]) – prend donc à contre-pied cette évidence par une analyse fouillée des stratégies de régénération au sein de secteurs prétendument matures. L’ouvrage perturbe assez peu le champ : une consultation de la base de données Social Science Citations Index® de l’ISI® fait état d’un ensemble net de 50 citations au sein de publications académiques anglosaxonnes113 ; l’ouvrage n’est pas non plus à l’index des manuels de référence (Johnson et al. (2005) par exemple). Ce travail articule pourtant dans une approche cohérente un ensemble de mots-clés qui fait écho à des préoccupations actuelles de la stratégie : on y découvre les notions d’expérimentation, d’organisation entrepreneuriale, d’avantages concurrentiels temporaires et de renouvellement stratégique.