Désormais, en s’appuyant sur trois tentatives de Code civil - une réussie, deux manquées - un livre pose pour la première fois aux philosophes du droit et, par delà, au monde des juristes et des politiques, une question fondamentale : comment expliquer qu’entre un Code civil et une nation, un couple - un mariage, bien sûr - se forme (ou ne se forme pas) ? Rien de semblable pour une loi, même une grande loi. C’est qu’un Code civil est tout autre chose qu’un ensemble, un recueil, un album de textes. D’une loi les spécialistes de la « légistique » sont capables de déterminer si elle est ou non adaptée au milieu pour lequel elle a été fabriquée et, réciproquement, si celui-ci est apte à la recevoir, c’est-à-dire à la comprendre et à l’appliquer. Mais l’adaptation et la réception sont des phénomènes objectifs, mesurables par des procédés quasi mécaniques, telles des enquêtes d’effectivité/ineffectivité. La relation d’un Code civil avec sa nation appelle à plus de romantisme : c’est un peu une relation d’amour. La fièvre de législation est portée à son paroxysme en un désir d’embrasser, d’étreindre, entre ses bras la nation tout entière, son passé et son futur, ses qualités et ses vices, ses décors et ses paysages, tandis qu’en face la nation palpite en attente de commandements à quoi se soumettre d’un seul cœur, en espérance d’une norme de vie qui sera dorénavant sa respiration.