Pour nos auditeurs non spécialistes, vous me permettrez de dire quelques mots sur la toponymie, science auxiliaire de l’histoire. Que l’on m’entende bien : il est incontestable que la toponymie est en premier lieu une science linguistique. Un nom de lieu est d’abord un vocable et, comme tel, il relève du génie de la langue et il appartient à un groupe linguistique bien déterminé. Ainsi, là où le Gascon pense et dit Artiguelongue, le Bavarois dira Langenried. Mais ta toponymie est aussi une science géo-historique. Par définition, le nom de lieu est lié au sol, il est attaché à une topographie, à une forme d’occupation du sol, à un habitat ; il recouvre de ce fait une réalité géographique, laquelle peut bien souvent renseigner sur sa signification. C’est, par exemple, par leur terroir ouvert en pointe ou en coin à la lisière des forêts que l’on a pu expliquer les Cornau bordelais et landais. En outre, quand le nom de lieu se rattache à un type de peuplement ou qu’il accède au document écrit ou cartographique, au mieux avec une date, il devient réellement un « fait » de l’histoire parmi tant d’autres. Dès lors, peut-on dire que la toponymie sous sa double étiquette est une science auxiliaire de l’histoire : elle est le miroir des civilisations historiques, des couches historiques successives du peuplement, des phénomènes les plus divers de l’occupation du sol, sans compter celui de groupes d’événements religieux et politiques, voire de toute la superstructure économique et matérielle de nos activités. Et ce miroir, à condition de le bien observer et interpréter, devient à son tour une source incomparable de l’histoire.