Un premier constat s’est imposé à la comparaison des trois rapports sur la France : l’opposition entre le rôle des Hospitaliers et des Templiers dans les grandes régions, Nord, Provence, Sud-Ouest aquitain et gascon. Certes, on ne saurait parler de « politique économique » des deux ordres ; l’un et l’autre, les Templiers surtout peut-être, ont généralement recherché des prises de revenus, rentes, dîmes, moulins, tonlieux, péages, qui ne les ont guère distingués des autres ordres et des seigneurs laïques. Mais, dans leur participation au peuplement des campagnes et des bourgs et à l’exploitation rurale, tout s’est avéré différent dans les trois secteurs. Au Nord de la Loire, aucune intervention des Templiers dans la fondation d’habitats, semble-t-il, et à peine six maigres hostises hospitalières en Picardie. En Provence, les commanderies urbaines ont plutôt essaimé des domaines dans des régions vides d’hommes, créant ainsi un habitat isolé. Dans le Sud aquitain, c’est l’apport massif à la colonisation et à l’urbanisation des campagnes qui a prévalu : quelque soixante sauvetés et castelnaux de l’Hôpital et du Temple au xiie siècle ; participation à la fondation d’une vingtaine de bastides à la fin du xiiie. C’est ici que Ton peut reprendre la pertinente question posée par R. Fossier à propos des Cisterciens dans le Nord de la France : les Templiers et les Hospitaliers « arrivent-ils bien ? », et de répondre : trop tard, au Nord de la Loire, malgré le nombre impressionnant des commanderies ; oui, dans les pays du Bas-Rhône et surtout en Gascogne. Les Hospitaliers et les Templiers se sont comportés en partie dans le Midi comme sur un front pionnier. Il n’en reste pas moins aussi que, pour des raisons liées à l’économie de marché, les deux ordres ont favorisé deux secteurs de l’activité rurale : l’élevage, principalement des ovins, en Champagne, en Berry, en Provence où ils ont participé à l’essor de la grande transhumance, dans les Pyrénées et sur les plateaux des Causses ; la viticulture en Aunis, en Bordelais et dans le « haut pays » garonnais. Mais, en dépit de quelques monographies bien menées, la structure des exploitations des deux ordres nous échappe encore partiellement : qu’en était-il en particulier des « granges », de leur gestion en faire-valoir direct et des expériences « quelque peu cahotiques » de métayage et de fermage ?