La plume est légère et ne trahit pas la pensée du Divin Marquis. Subtil ou glacé, le pinceau de Cavell vitalise encore davantage ce qui était énergie et mouvement chez Juliette.
La rencontre de Juliette et de l'ogre Minski tient dans Les Prospérités du Vice une place toute particulière. En effet, l'ermite de L'Apennin partage le goût du mal des autres personnages de Sade mais il les dépasse largement : sorcier, anthropophage, reclus dans les montagnes, protégé par les volcans, Minski entretient avec la nature des rapports si fantastiques, si effrayants que Juliette et Sbrigani contraints de s'enfuir pour lui échapper renonceront à le tuer.
Philippe Cavell présente ici un nouveau développement de son art. Les architectures - et jusqu'à la composition des planches - ne sont pas sans rappeler le Piranèse (Italie oblige...), on pense à la fois aux gravures coloriées du XVIIIe siècle et aux peintures de Clovis Trouille.
« André Breton nous a fait remarquer qu’une des plus grandes vertus poétiques de cette œuvre (est) de situer la peinture des iniquités dans la lumière des fantasmagories et des terreurs de l’enfance. Tout semblait avoir été dit sur Juliette, mais Philippe Cavell a donné une autre dimension à cette terrifiante histoire dont l’outrance manifeste n’enlève rien à la fascination. L’exploit de Cavell est de rendre visible ce qui n’était qu’une tension de l’esprit. Il a choisi une phase capitale de ce long roman, d’une résonance presque stendhalienne pour ce qui est de l’apport italien : la fuite à Turin, Parme, Florence…, la rencontre de l’ermite de l’Apennin, Minski, géant et seigneur des ténèbres, une sorte de Raspoutine mâtiné de Gargantua.
En parfait ange du mal, Juliette le possédera et le volera. » J.-M. Lo Duca.
Depuis Transes Mécaniques et Nini Tapioca, chaque nouvel album de Philippe Cavell s’est démarqué du précédent, comme s'il ne pouvait se satisfaire de la perfection acquise. Juliette de Sade représentait la maîtrise de la bande dessinée en noir et blanc. Jessica Ligari inventait une conception de la couleur dont on a pu comprendre ensuite qu'elle devait aboutir aux miniatures fantastiques de L'Ermite de l'Apennin.
Collection Vertiges Bulles.
Bande dessinée numérique, 54 pages, 44 planches en couleurs, gardes et couverture en couleurs de Philippe Cavell.