Les historiens ont longtemps privilégié le facteur technique dans l’approche des révolutions industrielles. Dans cette logique monocausale, le progrès technique était assimilé à une succession d’inventions apparues dans des secteurs pionniers, moteurs de la croissance, entraînant le reste de l’économie, dite traditionnelle, dans son sillage. L’un des paradoxes de cette approche consistait à valoriser l’innovation tout en évitant d’interroger les pratiques inventives. La dynamique interne du progrès technique et les traits de génie des inventeurs tenaient lieu de modèles explicatifs. La remise en cause de ces approches suscite bien des interrogations de méthode. Comment repérer les formes de l’invention ordinaire, en cerner les acteurs ? Comment assigner une origine à des nouveautés dont l’antériorité se perd dans la mémoire commune ? Comment appréhender des savoirs pratiques instables et non codifiés que ne livrent pas les corpus constitués de sources ? Comment concilier les définitions construites de l’invention et de l’inventeur, les catégories déjà forgées par les institutions et le corps social, et les mentions informelles ou indirectes de l’invention ? Ces questions débordent l’écrit. Cet ouvrage, issu d’un colloque international tenu à Paris en 2003, élargit le concept de sources : au-delà des « sources-textes », il considère les dessins, les enregistrements sonores, les instruments et outils, les installations, les échantillons, les modèles, les prototypes, etc. Il propose une réflexion originale sur le statut des archives de l’invention, sur leur mode de production et sur les méthodologies mises en œuvre dans leur exploitation.