Cet ouvrage se concentre sur une période charnière de l’histoire urbaine de Beyrouth, le mandat français au Liban. Il met en lumière la question du transfert des savoirs et des savoir-faire en urbanisme dans la première moitié du XXe siècle. S’inscrivant dans la continuité des Ottomans, qui avaient déjà eu pour dessein de moderniser la ville, le mandat français prit un processus de modernisation en cours et avança de grands projets pour Beyrouth, siège du haut-commissariat et vitrine de la présence française. L’accent est porté sur les outils mis en place et les réformes structurelles engagées durant le mandat, qui donnèrent à la ville de Beyrouth les moyens de sa transformation. Ce dispositif comprend à la fois la réglementation et l’émergence de nouveaux acteurs urbains et institutionnels.
Avec le mandat français au Levant, l’urbanisme de plan s’installe comme mode d’appréhension de la ville. Cet ouvrage met en évidence comment l’urbanisme français de l’entre-deux-guerres s’est exporté vers Beyrouth, comment de nouveaux canons d’esthétique urbaine s’y sont imposés. Les projets d’aménagement de Beyrouth conçus par le cabinet Danger puis par l’architecte Michel Écochard sont représentatifs de deux grands courants de l’urbanisme qui ont marqué les villes durant cette période. Le premier mit en œuvre un urbanisme fondé sur l’art urbain et une pensée hygiéniste, tandis que le second introduisit, de façon avant-gardiste, les grands principes de l’urbanisme du mouvement moderne. L’analyse de ces deux plans d’aménagement de Beyrouth permet de dégager l’outillage conceptuel véhiculé, les interactions avec le terrain et les dynamiques engendrées.
Le pouvoir mandataire manqua certes de moyens et de détermination pour envisager une politique urbaine ambitieuse à l’échelle de la ville. Pourtant, en deux décennies de mandat, le mode de production de l’espace urbain fut bouleversé. Les bases étaient jetées pour que Beyrouth devienne quelques années plus tard une capitale qui se vante de son architecture internationale, mais dans laquelle des modes séculaires d’appréhension de l’espace urbain ont survécu aux turbulences du siècle.