Le vertige, le débordement, le corps douloureux et palpitant sont les signes de vie qui traversent Alban Berg, en prise avec la passion amoureuse. Insupportables et exquis, ils pointent vers un trou dans le langage, un impossible à dire si féroce qu’il prend les allures d’un trop.
S’agit-il d’un symptôme-musicien ? Autrement dit, la voix, comme objet cause du désir, serait-elle ce qu’il reste lorsque tout a été dit ?
Alban Berg aima éperdument Hanna Fuchs rencontrée à Prague en 1925. Pourtant au fil des lettres qu’il lui écrivit jusqu’à sa mort en 1935, on comprend qu’elle ne répondit probablement jamais et qu’ils ne se rencontrèrent que très rarement. Mais peu importe au fond car la question de la réciprocité de cet amour n’était pas celle de Berg.
Il composa alors sa fameuse Suite lyrique pour quatuor à cordes à la manière d’une lettre d’amour. Chef d’œuvre de l’histoire de la musique, elle donne à entendre le lyrisme éperdu d’une musique qui figure pourtant parmi les plus composées et les plus élaborées qui soient.
Berg eut deux inventions qui n’en font qu’une : l’éternité de son amour pour Hanna Fuchs d’une part et la musique d’autre part. Ces deux inventions furent les seules choses dont il ne put douter. Berg y construisit ce qu’il appelait « sa vraie vie ». C’est à dire, là où il vérifiait sa propre existence.