« Deux mots de préambule, s’il vous plaît.
Je suis d’avis que quelques récits de chasse, pourvu qu’ils soient scrupuleusement vrais, sont faits pour en apprendre davantage et pour iintéresser plus vivement que les plus savants (exposés théoriques.
C’est dans cette pensée que je réunis ces quelques souvenirs.
La vraie école de la chasse, c’est la pratique.
Devant celui-ci, chasseur mon frère, il faut porter les armes, et vous-mêmes, derniers représentants de cette noble vénerie qui est encore notre gloire, vous pouvez sans déroger soulever votre cape aristocratique. Je vous présente un homme complet, un héros, un demi-dieu dont la place était marquée dans cette noble galerie des chasseurs illustres qu’a immortalisée le marquis de Foudras.
Pour les profanes, le chasseur pur sang est un être de convention, rude, mal peigné, sauvage, souvent grossier.
Nous qui sommes chasseurs, nous savons que ce portrait n’est qu’une charge médiocre.
Nature assurément privilégiée, mon héros avait reçu en naissant tous les dons physiques imaginables, sauf un seul, la beauté. Pour être franc, je conviendrai donc que Gérard n’était pas aussi gracieux qu’Adonis. Cependant, son gros œil gris à fleur de tête, au regard fixe et froid, n’était pas trop mal. Mais sa face rugueuse, sa moustache grise rétive, hérissée quoique longue, sa large bouche, ses cheveux en brosse, son col de taureau, ses épaules, ses bras, son torse, ses jambes, tout cela massif, chargé de muscles saillants, ne lui donnait pas précisément l’aspect agréable. Aussi ses intimes l’avaient-ils surnommé le Père Sanglier. Excellent cœur, loyal et franc comme feu Bayard, toujours empressé d’être utile même aux inconnus, allant toujours droit au but, regardant son homme en face, ne souriant jamais et pourtant toujours gai, toujours heureux, toujours chassant, voilà en quelques mots le portrait de ce prototype du vrai chasseur. »
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.