Il y a une vingtaine d’années, la Conférence des bâtonniers de France s’inquiétait de la piètre image que l’on avait de la profession d’avocat. Une étude fort sérieuse, établie à sa demande, notait parmi les raisons avancées d’un tel discrédit : les lenteurs de la justice et le coût élevé des procès dont les avocats étaient rendus responsables, la facilité avec laquelle la plupart d’entre eux étaient capables de plaider toutes les causes et cette irritante question, toujours posée, comment peut-on défendre quelqu’un que l’on sait coupable ? Après le constat, la même étude proposait divers moyens de nature à corriger ces critiques. On pouvait être surpris de trouver en bonne place l’histoire de la profession d’avocat. Les arguments avancés pour justifier ce choix ne manquaient cependant pas de pertinence... Lorsque le public et les avocats eux-mêmes auraient appris, par des études sérieuses, l’origine et l’évolution de la profession, la place que le barreau a tenue depuis longtemps dans la société, peut-être y aurait-il alors un changement dans l’opinion. Se contenter de redire que les avocats sont avant tout des auxiliaires de justice, qu’ils assurent "par la parole et par l’écrit", la défense des personnes dans leur honneur et leurs intérêts, ne suffit pas. Ne convient-il pas plutôt de rappeler qu’il fut un temps où "les avocats formaient les juristes et la doctrine" et participaient ainsi à l’élaboration du droit ; qu’ils ont été à des heures décisives, porteurs d’idées nouvelles ; qu’ils ont défendu, et souvent à des époques et dans des circonstances où il y avait quelque péril à le faire, des valeurs fondamentales comme la liberté ou l’indépendance ; que nombre d’entre eux, à la barre ou l’abandonnant, au palais ou à la ville, se sont fait un nom en littérature ou en politique ? Pourquoi ne pas rappeler également que les critiques actuelles formulées contre la profession sont aussi anciennes que la profession elle-même, ce qui relativise beaucoup leur portée ? L’histoire conduite jusqu’à une date récente mettrait, en outre, en évidence que la profession d’avocat n’appartient pas au passé, qu’elle a su s’adapter et maintenir, par-delà les mutations, les valeurs qui l’ont fondée ; que les avocats continuent d’exercer les fonctions qui étaient les leurs et qui ne se limitent pas à la seule défense de leurs clients. L’histoire, enfin, ferait aussi apparaître les ombres d’une profession qui, à côté des grandeurs, a connu ses faiblesses.