Avec les traités de Paris et de Rome, l’Europe passe du statut de mythe à celui de nouvelle réalité. Comment les organisations des États-membres de la Communauté réagissent-elles à ce fait européen qui s’impose ? Quelles en sont leurs représentations ? Quels sont les dialogues, confrontations ou tentatives d’influence respectives qui s’établissent ? Ces questions sont au cœur de cet ouvrage, qui se concentre sur le cas particulier des syndicats belges et allemands durant la période 1972-1985. Leurs archives, avec celles des institutions européennes, forment le cœur du corpus documentaire.
Le lecteur découvrira tout le paradoxe de la réponse syndicale à l’intégration européenne. D’un côté, le discours syndical est pénétré d’une profonde rhétorique de la nécessité. L’Europe intégrée est jugée indispensable pour pallier les insuffisances des structures nationales qui sont de moins en moins à même de résoudre les défis de leur temps, qu’ils soient structurels (concentration du capital et développement des entreprises multinationales) ou conjoncturels (crise énergétique et économique). Cette rhétorique s’accompagne d’amers regrets des syndicats quant au tournant par trop favorable au patronat et aux multinationales que l’Europe aurait esquissé. D’un autre côté, toutefois, l’action syndicale européenne reste difficile. Les syndicats nationaux font montre d’une très faible appropriation des enjeux européens et se déchargent énormément sur la Confédération européenne des syndicats. L’Europe reste un objet distinct et extérieur, construite sur base des impulsions de la CES ou de la Commission et vécue avec une forte dimension nationale.