La question que je traite n’était pas seulement une des plus difficiles quand je l’abordai, elle était encore une des plus délicates. Le système de la charte d’Alaon sur les Mérovingiens d’Aquitaine était un fait authentique, une vérité incontestée ; tous nos livres d’histoire classique en font foi. A peine si l’on osait exprimer quelques doutes sur un document dont la découverte avait été pour notre histoire nationale un vrai coup de fortune... On s’exposait en faisant ouvertement profession d’une incrédulité raisonnée. Il fallait être au rang des maîtres ou n’avoir absolument rien à perdre. J’étais dans ce dernier cas, et je m’attaquai à la charte... Heureusement la solution que j’eus la hardiesse de présenter ne parut pas appuyée sur de trop mauvaises raisons... Quelques-uns osèrent m’approuver tout haut, beaucoup se contentèrent de m’approuver tout bas. Aujourd’hui que la discussion est à peu près terminée, et que la conviction générale me paraît se trouver entièrement d’accord avec la mienne, il ne me sera pas interdit de me prévaloir du seul mérite qui m’appartienne, celui d’avoir devancé le jugement porté en dernier ressort par la science. Non pas que je veuille revendiquer l’honneur d’avoir ramené à mon opinion tous les érudits qui la professent, et dont la plupart certainement ne m’ont jamais lu : mais, quelque insignifiant qu’ait été mon concours dans les conversions qui se sont produites, du moins puis-je me flatter d’avoir défendu la bonne cause alors qu’elle n’avait pas beaucoup de partisans... Ces études pourront être utiles, relativement à l’origine des premiers ducs d’Aquitaine et de Gascogne... (extrait de l’Avant-propos).
Joseph François Rabanis, né à Chambéry (1801-1860), professeur à l’Université de Bordeaux, historien ; on lui doit également une passionnante étude sur Florimont, sire de Lesparre, un grand seigneur gascon du XIVe siècle.
La présente édition, entièrement recomposée, reprend le texte intégral de l’édition définitive de 1856... Ou comment des fake news, forgées au XVIIe siècle, bouleverseront l’histoire ancienne de l’Aquitaine jusqu’au milieu du XIXe siècle...