Le « Saint Empire Romain Germanique » : au siècle de Louis XIV ou à celui des Lumières, ce corps politique encore féodal, avec ses centaines de princes, comtes et villes libres, semblait condamné par l'histoire. Du moins est-ce ainsi que les historiens l'ont longtemps considéré. Depuis, ils ont changé d'avis, allant jusqu’à en faire un précurseur de l’Union européenne. Ils ont toutefois avant tout étudié ses institutions – ses tribunaux, sa Diète – distinguant soigneusement entre ce qui relevait de l’Empire, et ce qui se jouait dans les différents territoires (la Prusse, la Bavière, la Saxe etc.). Mais l’Empire ce sont aussi des routes, du commerce, l’échange à travers les omniprésentes frontières, ce sont des carrières et des parcours de vies qui vont d’un territoire à l’autre, ou des querelles entre voisins catholiques et protestants, menée dans le cadre bien défini d’un droit commun – bref, toute une histoire sociale qui traverse les échelles et confère au Saint-Empire une spécificité vécue. La découverte de cette histoire sociale est un champ de recherche dynamique. C’est aussi désormais un lieu de rencontre entre historiens allemands et français. Cet ouvrage réunit les jeunes chercheurs qui animent cette nouvelle façon d’écrire l’histoire du Saint-Empire, à travers un spectre thématique large, en mêlant les bilans historiographiques et les études de cas, et en s’efforçant d’intégrer l’Empire dans une réflexion comparative. Car l’histoire sociale du Saint-Empire permet de poser à nouveaux frais la question de la modernité politique et de l’État. Après une introduction des deux coordinateurs, l’un des meilleurs spécialistes allemands du Saint-Empire, Matthias Schnettger, ouvre le volume par un bilan historiographique alerte et dynamique. L’ouvrage se divise ensuite en quatre parties. La première traite du thème qui est au cœur des renouveaux historiographiques actuels : l’histoire sociale et culturelle du politique (André Krischer, Sébastien Schick, Katrin Keller, Thomas Dorfner). La seconde section approfondit la nouvelle connexion établie par la recherche entre système politique et histoire sociale et économique du Saint-Empire (Guillaume Garner, Vincent Demont, Rachel Renault). La troisième partie explore l’une des spécificités de l’approche française du Saint-Empire : l’attention portée aux pratiques de l’espace (Falk Bretschneider, Anne Saada, Luca Scholz, Axelle Chassagnette). La dernière section enfin s’attarde sur une particularité éminente du Saint-Empire, sensible dans les vies de tous ses habitants : sa pluralité confessionnelle (Christophe Duhamelle, Mark Mudrak, Naïma Ghermani).