« Un départ tel qu’il ne s’en vit jamais, dans le chaos tumultueux des êtres, des choses, des éléments, sous un ciel apocalyptique embrasé, tout zébré de foudres hurlantes !
Des cris de délivrance accueillant le vent survenu ; des cris de terreur, une galopade de fuite, des cris de colère à la gare ; dans la cour de Bretagne, une mêlée sans nom de bêtes, de véhicules, de gens : la bataille pour avancer, pour arriver !
Puis, sept heures durant, dans cette vraie nuit de Walpurgis, le train filant parmi les nuées, un paysage de flammes, l’horizon chevauché de zigzags, de furieuses rafales secouant, tordant, courbant les arbres échevelés !
Enfin le jour qui naît, la Bretagne grise et noire, austère et plate, maisons basses, arbres rabougris, faces fermées.
L’aube toute pâle, comme morose, à regret blanchit le ciel...
Et une vision subsiste, ineffaçable pour moi désormais. Sur le fond vitré du hall de départ — un fond de Sinaï fulgurant, aveuglant, parmi les clameurs de la ville en épouvante et le fracas du ciel en détresse — une silhouette d’homme se découpant, se dressant, une face impassible pétrie de force et d’intelligence que bleuit le reflet des éclairs : c’est Bernard Lazare, c’est le porteur de torche qui part pour Rennes où s’achève l’œuvre que tout seul, voici trois ans, il entreprit. »
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.