André Gide (1869-1951)
"L’an 1890, sous le pontificat de Léon XIII, la renommée du docteur X, spécialiste pour maladies d’origine rhumatismale, appela à Rome Anthime Armand-Dubois, franc-maçon.
– Eh quoi ? s’écriait Julius de Baraglioul, son beau-frère, c’est votre corps que vous vous en allez soignez à Rome ! Puissiez-vous reconnaître là-bas combien votre âme est plus malade encore !
À quoi répondait Armand-Dubois sur un ton de commisération renchérie :
– Mon pauvre ami, regardez donc mes épaules.
Le débonnaire Baraglioul levait les yeux malgré lui vers les épaules de son beau-frère ; elles se trémoussaient, comme soulevées par un rire profond, irrépressible ; et c’était certes grand-pitié que de voir ce vaste corps à demi perclus occuper à cette parodie le reliquat de ses disponibilités musculaires. Allons ! décidément leurs positions étaient prises, l’éloquence de Baraglioul n’y pourrait rien changer. Le temps peut-être ? le secret conseil des saints lieux... D’un air immensément découragé, Julius disait seulement :
– Anthime, vous me faites beaucoup de peine (les épaules aussitôt s’arrêtaient de danser, car Anthime aimait son beau-frère). Puissé-je, dans trois ans, à l’époque du jubilé, lorsque je viendrai vous rejoindre, puissé-je vous trouver amendé !"
Le pape Léon XIII aurait été remplacé par un imposteur... C'est la nouvelle que répand un escroc... Voici le fil rouge entre différentes intrigues et différents personnages...
André Gide ne considérait pas cet ouvrage comme un roman mais comme une sotie, une fable satyrique.