Comtesse de Ségur (1799-1874)
"M. et Mme Gargilier étaient seuls dans leur salon ; leurs enfants, Simplicie et Innocent, venaient de les quitter pour aller se coucher. M. Gargilier avait l’air impatienté ; Mme Gargilier était triste et silencieuse.
« Savez-vous, chère amie, dit enfin M. Gargilier, que j’ai presque envie de donner une leçon, cruelle peut-être, mais nécessaire, à cette petite sotte de Simplicie et à ce benêt d’Innocent ?
– Quoi ? Que voulez-vous faire ? répondit Mme Gargilier avec effroi.
– Tout bonnement contenter leur désir d’aller passer l’hiver à Paris.
– Mais vous savez, mon ami, que notre fortune ne nous permet pas cette dépense considérable ; et puis votre présence est indispensable ici pour tous vos travaux de ferme, de plantations.
– Aussi je compte bien rester ici avec vous.
– Mais comment alors les enfants pourront-ils y aller ?
– Je les enverrai avec la bonne et fidèle Prudence ; Simplicie ira chez ma sœur, Mme Bonbeck, à laquelle je vais demander de les recevoir chez elle en lui payant la pension de Simplicie et de Prudence, car elle n’est pas assez riche pour faire cette dépense. Quant à Innocent, je l’enverrai dans une maison d’éducation dont on m’a parlé, qui est tenue très sévèrement, et qui le dégoûtera des uniformes dont il a la tête tournée."
Innocent et Simplicie sont deux jeunes adolescents qui en ont marre de vivre à la campagne. Paris ! ils n'ont que cela à la bouche. M. et Mme Gargilier, leurs parents, n'en peuvent plus et décident d'envoyer les deux enfants à la capitale. Innocent ira en pension et Simplicie chez Mme Bonbeck, la soeur de M. Gargilier...