Être ou ne pas être, voilà la question. Une âme courageuse doit-elle supporter les méchants opéras, les concerts ridicules, les virtuoses médiocres, les compositeurs enragés, ou s’armer contre ce torrent de maux, et, en le combattant, y mettre un terme ? Mourir, – dormir, – rien de plus. Et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux déchirements de l’oreille, aux souffrances du cœur et de la raison, aux mille douleurs imposées par l’exercice de la critique à notre intelligence et à nos sens ! – C’est là un résultat qu’on doit appeler de tous ses vœux. – Mourir, – dormir, – dormir, – avoir le cauchemar peut-être. – Oui, voilà le point embarrassant. Savons-nous quelles tortures nous éprouverons en songe, dans ce sommeil de la mort, après que nous aurons déposé le lourd fardeau de l’existence, quelles folles théories nous aurons à examiner, quelles partitions discordantes à entendre, quels imbéciles à louer, quels outrages nous verrons infliger aux chefs-d’œuvre, quelles extravagances seront prônées, quels moulins à vent pris pour des colosses ?
Hector Berlioz