Doit-on craindre aujourd'hui une épidémie planétaire contre laquelle les antibiotiques ne pourront rien ? D'un côté, les bactéries, innombrables, un million de milliards de millions, installées pratiquement dans toutes les niches écologiques terrestres. En face, les hommes, «seulement» 6,5 milliards d'individus. Pendant une période extrêmement courte, le dernier demi-siècle, la guerre entre ces deux opposants a fait rage. Des centaines de milliers de tonnes de produits antibiotiques ont été déversés dans l'environnement ou ingérés par le corps humain et les animaux. Le résultat de cette lutte est aujourd'hui sans appel : les bactéries ont muté et sont de plus en plus résistantes. Quant aux laboratoires pharmaceutiques, ils ont pratiquement épuisé leurs armes, produisant désormais de manière massive leurs médicaments selon une logique de déferlement, une fuite en avant qui laisse de moins en moins de place à la recherche fondamentale.
Pour la première fois un chercheur de renom et un éminent anthropologue ont réussi à marier leurs analyses dans une synthèse qui fera date. Revenant sur l'histoire fascinante des antibiotiques, analysant les enjeux de leur production, ils explorent les solutions envisageables. Et nous rappellent au passage que dans un corps humain en pleine santé, il y a plus de bactéries que de cellules...
Antoine Andremont est Professeur à la faculté de médecine de l'Université de Paris 7. Il dirige le laboratoire de bactériologie médicale de l'hôpital Bichat Claude-Bernard. Il se consacre depuis 25 ans à l'étude des bactéries responsables des infections humaines. Il a fait partie des premiers groupes de chercheurs qui nous ont alerté sur les risques des antibiotiques.
Michel Tibon-Cornillot est anthropologue à l'École des Hautes Études en Sciences sociales (EHESS). Docteur d'Etat en philosophie, il a travaillé à l'Institut Pasteur dans un laboratoire de génétique moléculaire. Il est l'auteur d'un ouvrage intitulé Les corps transfigurés (éditions Le Seuil, Prix Psyché). Il inscrit sa recherche à l'intersection de la philosophie et de la biologie, démontrant que la question centrale des techniques contemporaines n'est pas celle de leur régulation mais celle de leur déferlement incontrôlé.