Le XIXe siècle des nationalités s’est pensé comme le siècle de la fraternité, entre les peuples et les hommes. Et la nation moderne s’est souvent présentée comme fondée sur une extension de la famille, unie par le sang, les valeurs, la culture. Cette vision a entraîné des formes de mobilisation politique originales comme le volontariat, les sociétés de secours mutuel, les fraternités. Plus spécifiquement (mais non exclusivement) consacré à l’Italie du Risorgimento, ce volume prend acte de deux points qui apparaissent clairement : l’utilisation massive du mot frère (fratelli), fraternité (fratellanza) durant les guerres d’indépendance, et aussi de la mobilisation massive de frères de sang, d’une même famille, qui ont pu combattre ensemble : les frères Bandiera, Fabrizi, Cairoli... en sont quelques exemples. Or, si la fraternité est un concept, c’est aussi un état et un sentiment. Un état, car être frère relève d’un statut familial, encadré par des normes, des lois qui n’instaurent pas l’amour fraternel, qui lui, est un sentiment. À l’intersection de ces acceptions de la fraternité, le volume aborde donc la dimension biographique et met en évidence que la fraternité « de sang » est en fait, souvent, le cadre d’un affrontement politique régulé par les intérêts familiaux. Entre les concepts et la pratique, les idées et les acteurs, la polysémie de la fraternité s’avère être un formidable outil de mobilisation négociée.