Chaque ville, étant un organisme spécial, sort d’un germe et se développe d’après la nature de ce germe ; c’est un corps vivant qui possède sa raison d’être, son âme, son génie propre. Chartres, c’est le blé ou l’agriculture. Cité de roture agricole, de vilains et d’échevinage, de marchés au grain et aux porcs, c’est aussi une ville d’église, de catholicisme et de canonicats indépendants en lutte avec la bourgeoisie. « Tenir noblesse » est chose à laquelle les Chartrains du XVe siècle ne prétendent guère, à moins que cela ne les exempte de tailles et d’impôts. On se dispute les droits et les préséances ; on a maille à partir sur le mur d’enceinte et le mur mitoyen, sur les huis des portes à réparer et les « entreprises » des propriétaires qui empiètent toujours. On ne cède rien. Le roi demande-t-il des subventions, on résiste longtemps, humblement, et l’on persiste ; les pauvres sont protégés ; le clergé et les paysans sont tenus en bride d’une façon qui atteste l’énergie des manants nos aïeux, gens bien plus dignes d’estime qu’on ne l’a dit.
Au XVe siècle, la France n’était point parvenue à l’unité. Les citoyens de Chartres, en 1437, désirent surtout savoir ce qui se passe au dehors et ce que deviennent les armées anglaises ; ils paient cher les bonnes nouvelles qui leur arrivent ; ils tiennent infiniment à ce que M. le bâtard d’Orléans sache que la ville est loyale, qu’elle est bonne française, et avant tout qu’elle est très vigilante ; éloge mérité, comme le prouvent les documents de ce livre...