Dans son dernier ouvrage, Henri Tincq qui fut journaliste en charge des questions religieuses au journal Le Monde (1985-2008), porta un regard désenchanté sur le catholicisme de sa jeunesse : « Nous sommes en train de perdre un héritage : celui des catholiques libéraux, des cathos sociaux, des “abbés démocrates”, des catholiques résistants sous l’Occupation ». Cet héritage se serait dissous au profit d’un catholicisme porteur de réflexes identitaires et “néoconservateurs” dont le mouvement de balancier pencherait désormais à droite. Bien que les récentes enquêtes sociologiques témoignent de l’éclatement du paysage catholique en France, accentuant une opposition déjà ancienne entre “libéraux” et “intransigeants” puis entre “progressistes” et “traditionnels”, un processus de “droitisation” du catholicisme semblerait s’opérer depuis deux décennies, dans ce qui constitue la longue histoire politique des catholiques français au XXe siècle. En prendre la mesure nécessite donc l’ouverture d’un vaste chantier historiographique, à l’image des recherches coordonnées par Denis Pelletier sur les “cathos de gauche”. Face à l’ampleur d’une telle entreprise, mobilisant aussi bien l’histoire des partis que la géographie électorale, ce volume propose une approche d’histoire sociale, culturelle et religieuse du politique, sous l’angle des droites et du catholicisme depuis la décennie “problématique” des années 1960. Cette réflexion tente de repérer les forces et les influences des réseaux, romains et transnationaux, sur lesquels s’appuie ce processus de “droitisation” du catholicisme, si tel était le cas, prioritairement à l’échelle d’une catholicité française mais aussi européenne et américaine. Et ce, en prenant en compte les réceptions, circulations et transferts repérables depuis les Amériques. Ici, transparaissent le rôle des communautés traditionnelles ou charismatiques, l’action des mouvements familiaux et des associations éducatives, l’influence des espaces de formation, de la presse, de l’édition et d’internet. Il demeure également les réseaux de mobilisation menés au sein même des structures partisanes marquées à droite mais aussi les figures classiques du publiciste, voire du polémiste, engagées dans le combat politico-religieux.