L’histoire est simple comme son titre : Victor Bâton est à la recherche de ses amis. De ceux qui pourraient le devenir tout du moins, car il enchaîne les rencontres, éperdument, et sans succès. Sont-ce pour autant des échecs ? Car Bâton n’est pas un héros : c’est un homme, seul, vivant dans la précarité autant que dans l’oisiveté. Il persiste pourtant en lui une force qui ne cesse d’irradier, à l’image de l’œuvre d’Emmanuel Bove dont la postérité court secrètement jusqu’à nous tant son ultra moderne solitude garde un siècle plus tard toute sa vivacité.
La preuve en est que tout le travail d’Éric Chauvier, anthropologue et écrivain, est habité de part à part par la discipline existentielle de Mes Amis. Il lui rend ainsi hommage dans un texte où il fait miroiter par un puissant jeu de réécriture la puissance politique intacte d’une vie qui vaut d’être vécue à condition de ne pas trouver sa place. Une vie où il ne saurait être question de projet et de victoire, mais bien plus des aptitudes que nous déployons pour nous ajuster à nos contemporains.
« L’œuvre de Bove se garde de toute grandiloquence et se tient éloignée de tout ce qui constitue le grand genre littéraire. C’est comme si elle avançait de détail en détail et que le lecteur se retrouvait en définitive piégé, comme si son propre portrait se dessinait à travers ce qui ne semblait que de simples coups de crayon dont il n’imaginait pas que, à les rassembler, ils aboutiraient à quelque chose de si ressemblant. C’est comme si, à cause de ou malgré son humour, l’œuvre de Bove finissait par faire peur, à frapper si juste. » Libération