Dans l’histoire culturelle des couleurs, le XVIIIe siècle occupe une place particulière : "oasis" (Brusatin) ou "parenthèse" (Pastoureau) colorée, la couleur, dans tous les domaines,émerge, se déploie, s’impose : de l’Opticks de Newton (1704) au Traité des couleurs de Goethe (1810), un discours scientifique sur la couleur suscite et accompagne son renouvellement dans la société et l’imaginaire à tel point qu’on peut parler d’un véritable changement d’épistémè. On vit dans une ambiance colorée et la vision colorée devient aussi une manière de penser le monde.
Dans ce contexte, qu’en est-il des liens qu’entretiennent les couleurs et les identités, sociales, sexuées et genrées ? La couleur à l’époque des Lumières est-elle un trait distinctif, constitutif et éventuellement discriminant d’une identité ? Les couleurs sont-elles déjà, encore, des indicateurs de hiérarchie et de domination ? Jusqu’à quel point, alors, peut-on parler de couleurs identitaires ? Existe-t-il une identité chromatique de l’espace, de la ville ? Et de quelles couleurs parle-t-on ?
Le présent numéro propose quelques pistes de réponse, en prenant en compte à la fois l’histoire matérielle et la représentation des couleurs au travers du lexique, des arts et de la littérature afin de mettre en relation les identités vécues et imaginées et d’en montrer l’influence réciproque.