Dans les semaines qui suivent le 23 octobre 1822, la bourse de Londres enregistre l’échange sulfureux et enthousiaste d’un nouveau titre sur son marché des emprunts étrangers: l’obligation de l’État de Poyais. À sa tête se trouve Gregor MacGregor, un mercenaire écossais et nouveau Cacique flamboyant de ce territoire alors inconnu. Ce dernier emprunte plusieurs centaines de milliers de livres sterling au sein du centre financier le plus important du monde, gonflé à bloc par les prêts accordés aux récentes indépendances latino-américaines. Or, Poyais n’existe pas. C’est, du moins, ce dont MacGregor sera rapidement accusé par la presse et l’opinion publique de l’époque. L’ancien mercenaire incarne dès lors, et aujourd’hui encore, la figure de l’escroc par excellence, à l’origine de la fraude la plus audacieuse de l’Histoire. Des figures telles que «Bernie» Madoff ou Charles Ponzi font encore souvent pâle figure face à celui reconnu pour être parvenu à faire croire à l’entier de la communauté financière de Londres à l’existence d’un pays imaginaire.
Ce livre propose une déconstruction et une réécriture de l’histoire de Poyais. En retraçant minutieusement la genèse, le développement, et la chute du projet de Poyais à l’aune des multiples traces laissées par MacGregor, l’idée d’émettre un emprunt d'État sur le marché des capitaux londonien dans les années 1820 apparaît ainsi moins comme une fraude financière monumentale que comme une tentative ratée de financer l’établissement d’une colonie privée et de soutenir la création d’un nouveau pays en Amérique centrale.
Dans la lignée des travaux issus de la micro-histoire appliquée à l’histoire globale, cette étude de cas offre également une lunette à travers laquelle se révèlent nombre de dynamiques politiques, économiques, légales ou sociales propres aux transformations financières et impériales qui traversent l’Atlantique du début du XIXe siècle. En narrant l’histoire d’un emprunt raté, cette réinterprétation de l'histoire de Poyais contribue ainsi à l’étude de la formation des relations transatlantiques de crédits et commerciales se forgeant entre la City de Londres et les nouveaux souverains issus des révolutions latino-américaines.