Ali Cherri - Somniculus
Osei Bonsu
Editeur: Jeu de Paume
Dans son nouveau film, Somniculus (« sommeil léger »), Ali Cherri approfondit la question du rapport entre, d’une part, les processus qui permettent la mise au jour, la collecte et la classification des objets d’art et, d’autre part, la manière dont notre compréhension de ces objets est orientée par nos systèmes de représentation. Saisissant la vie secrète des musées français d’ethnographie et d’anthropologie, Somniculus nous présente un monde dans lequel quelques fragments de civilisations passées en sont venus à incarner l’universalité de l’expérience humaine. Préservés et exposés dans l’enceinte muséale, les objets survivent en tant que réceptacles de leur propre époque et histoire. Leur circulation matérielle, leur possible influence sur la formation du discours des Lumières, de l’impérialisme ou du colonialisme ne peuvent être retracées. Seuls subsistent des fragments du passé définis par des récits construits et compris à travers le prisme de régimes de représentation idéologiques. Les objets n’ont rien de vivant, mais ils continuent de nous parler et de nous hanter. Nous les regardons, comme eux-mêmes nous regardent et nous surveillent. Ici, regarder dépasse l’acte politique consistant à mettre en doute la réalité qui est sous nos yeux : il s’agit d’imaginer ce qui est au-delà du visible. Entrer dans une phase de « sommeil léger », c’est solliciter l’imagination à l’état de veille. À l’instar des objets suspendus hors du temps, qui n’ont pas de poids, le corps n’est ni mort ni vivant, mais en attente d’être réveillé.
Accompagnant l’exposition d’Ali Cherri présentée dans le cadre de la programmation Satellite 10, le présent livre comprend des textes d’Osei Bonsu, de Fabien Danesi et de l’artiste.
Ali Cherri est vidéaste et artiste visuel. Son travail porte actuellement sur la place de l’objet archéologique dans la construction des récits historiques.
La programmation Satellite
Initiée en 2007, la programmation Satellite du Jeu de Paume est dédiée à la création contemporaine. Depuis 2015, le Jeu de Paume et le CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux organisent conjointement ce programme d’expositions, assuré dès sa création par des commissaires d’envergure internationale (Fabienne Fulchéri, María Inés Rodríguez, Elena Filipovic, Raimundas Malašauskas, Filipa Oliveira, Mathieu Copeland, Nataša Petrešin-Bachelez, Erin Gleeson et Heidi Ballet).
Intitulé « L’économie du vivant », la dixième édition confiée à Osei Bonsu a pour propos la constante mobilité, par-delà les frontières réelles ou imaginaires, des corps, des plantes, des animaux, des œuvres d’art, ainsi que d’un certain nombre d’autres produits culturels. Ce projet en quatre temps procède de l’idée qu’une des façons de comprendre l’état du progrès humain de nos jours est de consigner visuellement l’expérience vécue. Dans un paysage géopolitique en constante expansion, nous pouvons voir comment les grands axes imposent conflit et agitation à la circulation des peuples, des marchandises et des processus.
Se projetant au-delà de la simple idée d’une cartographie de l’histoire, les œuvres d’Ali Cherri, d’Oscar Murillo, de Steffani Jemison et de Jumana Manna – toutes spécialement commanditées pour l’occasion – parcourent les espaces étrangers et familiers afin de rendre visible la secrète migration des choses vivantes.
Chaque exposition est accompagnée d’une publication imaginée comme une carte blanche au commissaire et aux artistes. Conçue dans un dialogue étroit avec un studio graphique renouvelé à l’occasion de chaque édition, cette série d’ouvrages s’offre comme un espace de création autonome au sein de la programmation Satellite.