Succédant au « siècle d’or » des Antonins, les Sévères qui gouvernèrent l’Empire romain de 193 à 235 après J.-C jouissent d’une réputation exécrable. Si le fondateur de la dynastie, Septime Sévère, dépeint comme un personnage cynique et brutal, est relativement épargné par l’historiographie, ce n’est pas le cas de Caracalla, qui passe pour un soudard tyrannique, fratricide et incestueux, Géta pour une victime indolente, Sévère Alexandre pour un prince pusillanime gouverné par les femmes, Varius Avitus Bassianus, plus connu sous les sobriquets d’Héliogabale ou d’Élagabal, pour un fanatique obsédé par le sexe.
Sans nier la face obscure de ces princes, l’auteur met en exergue leur contribution à la grandeur de l’Empire : les qualités de chef d’État de Septime Sévère, la volonté de Caracalla de protéger son immense royaume contre les turbulentes tribus barbares, le souci de chacun d’améliorer et d’adoucir la condition de leurs sujets. Au-delà de ces portraits impériaux singuliers, Les Sévères de Pierre Forni propose aussi un voyage au cœur des provinces et des cités de l’Empire, dont il restitue le cadre et les modes de vie bruyants et colorés : les séances houleuses du Sénat, les ravages de la « peste antonine », la correspondance des militaires en poste près du mur d’Hadrien, le ridicule des conférenciers en vogue, les rituels de la cour impériale, les blagues à la mode, les guerres picrocholines des cités d’Orient que les Romains incrédules qualifiaient de « bêtises des Grecs », les conflits internes entre gnostiques et chrétiens orthodoxes...
Ce livre étudie également les traces que ces cinq empereurs ont laissé dans l’histoire, l’art ou la littérature en privilégiant notamment, celles, innombrables, qu’inspirèrent les brèves existences de Caracalla et d’Héliogabale le « petit prince » hédoniste d’Émèse, qu’on qualifierait aisément de nos jours d’anarchiste, de martyr ou d’icône LGBT.