Étrange convergence des destins, tout de même, entre Gabin, Gavroche moderne, et Olivia, grande bourgeoise en quête de sens à la vie ravagée par son récent divorce. Dun côté, l’ignominie d’une mère aux décisions désastreuses, ayant très tôt fait le choix d’admettre que Gabin, son propre fils, était de trop dans sa vie. Une ressemblance malheureuse, l’envie d’une autre vie, et quelques coups de chance, tout de même, voilà les ingrédients du grand malheur de Gabin, gamin à la dérive, enfant que, pourtant, la cruauté du monde ne parvient pas à briser pour de bon. Admirable ce gamin, une force de vie comme peu de personne en cultive, mais toujours, face à lui, l’affreux destin de se savoir de trop en tout et pour tout le monde. De l’autre, comme à l’exact opposé du plan des bonheurs possibles, il y a la complainte et ses nostalgies. Celles d’Olivia, femme perdue et un brin souffreteuse, éternelle rabâcheuse de ses bonheurs enfouis. D’un côté, le bonheur impossible par trop de traumatismes, de l’autre la complainte harcelante de ce qui a été pour notre plus grande joie et qui ne sera plus. En tout point, une égale impossibilité, quand son propre bonheur fuit à trop être corrélé aux égoïsmes de tous ces autres que l’on croit, à tort, indispensable à notre propre épanouissement. L’amour d’une mère rendu, à la longue, inenvisageable, conséquence à toutes ces humiliations acceptées contre son propre enfant, puis, comme par décalque, l’amour d’un homme qui a cessé de vous faire centre à sa propre existence. Nos forces brisées, c’est un peu tout ça, c’est ce qui reste de nos destructions invisibles, l’âme en miette, lorsque se dresse face à soi le constat que, décidemment, le destin peut jouer les impitoyables.
Nos forces brisées est la deuxième parution de Delphine Baldelli aux éditions Myriel.