Les Poisons sociaux analysent pourquoi et comment, à la fin du XIXe et au début du XXe s., la consommation de substances toxiques s’est érigée en une question sociale qui a provoqué les plus vives inquiétudes auprès des contemporains. Tirant parti d’une grande variété de sources (textes législatifs, archives policières, documents diplomatiques, ouvrages criminologiques, médicaux et psychiatriques, articles de presse, écrits littéraires et autres créations artistiques, comme les chansons populaires appelées rébétika), cette étude apporte un éclairage nouveau sur un processus historique complexe : l’avènement de la « toxicomanie », où se rencontrent usages médicaux et récréatifs de substances psychoactives, politiques de prohibition de la production, du commerce et de la consommation des stupéfiants, ainsi que peurs plus larges et historiquement définies de la société grecque dans une période de transition. C’est le moment où la superficie et la population du pays doublent, où la question de la modernisation se pose avec insistance et où des évolutions telles l’arrivée en masse de nouvelles populations, la renégociation du rôle des femmes ou l’apparition de nouveaux courants idéologiques ébranlent l’ordre établi et les points de référence traditionnels. En examinant tous ces aspects de manière synthétique, le livre met en lumière la forme et l’ampleur de l’usage de drogues en Grèce, qu’il insère d’une part dans le cadre législatif, social et culturel de l’époque et d’autre part dans le contexte plus large de l’histoire des stupéfiants en Méditerranée orientale, en Europe et dans le monde. De la sorte, les Poisons sociaux constituent aussi bien une approche originale et insolite de l’histoire de la Grèce au début du XXe s., qu’une mise en perspective historique des interrogations actuelles et du débat public sur les politiques en matière de drogues.