Entre la fin du XIXe siècle et la Première Guerre mondiale, le jeune État italien connaît un vaste mouvement migratoire qui porte plusieurs millions de ses citoyens à chercher fortune ailleurs. Si les pays américains et européens accueillent la majeure partie de cette population, d’importantes communautés s’installent également sur les côtes méridionales du bassin méditerranéen. C’est notamment le cas de la Tunisie, devenue protectorat français, qui compte près de 90 000 Italiens en 1905 pour seulement 35 000 Français. Cette majorité démographique des Italiens ainsi que leur implication active dans le développement économique du territoire ne sont pas sans créer des tensions entre la France et l’Italie, pour qui la Tunisie représente une sorte de « colonie manquée » qui vient raviver ses aspirations colonialistes en Afrique. Cette communauté est d’autant plus singulière que les ressortissants de la Péninsule, majoritairement ouvriers, se trouvent dans une situation intermédiaire entre la classe dominante des colonisateurs français et celle des colonisés tunisiens, dont ils partagent pourtant les mêmes conditions de vie. Cet ouvrage, à travers l’exemple des Italiens de Tunisie, interroge ainsi la manière dont une identité nationale peut se construire en dehors de toute territorialité.