Du mouvement à la danse
Nelly Costecalde
Editeur: Books on Demand
"C'est l'élan qui fait tout", ai-je jadis lancé du haut de mes quatre ans, proclamant une foi qui ne m'a jamais quittée et qui sans doute propulse l'humanité : l'adhésion au mouvement, à la vie.
Pourtant la civilisation occidentale a longtemps été fascinée par l'immobilité, que la plupart des Anciens assimilaient à l'éternité. Mais elle s'est lentement laissée gagner par l'émerveillement face à un univers où tout est en mouvement, en perpétuelle auto-organisation.
De même, à son échelle, l'individu humain s'auto-construit, stimulé in utero par le mouvement qui, après la naissance, se développe en un langage de gestes et de vocalisations, premiers appels à l'autre, première expression du désir, première expression corporelle.
La conscience, dès lors, se développe en se dédoublant. Elle se déploie et s'élève à partir d'elle-même comme une spirale ascendante. Et les partenaires de cette sorte de danse de la conscience sont le mouvement d'autrui, le mouvement des choses, le mouvement du monde.
Lorsqu'il joue de cette musicalité mobile pour elle-même, pour le seul bonheur de cultiver ses liens à l'environnement, à l'autre et à lui-même, l'être humain se fait danseur. Il peut alors, par imagination et par identification, épouser tous les modes d'exister de la matière, à travers les règnes, minéral, végétal, animal. Haute école d'empathie et exutoire à la violence, la danse plonge au plus profond des corps et aux tréfonds de la matière. Elle incarne les tragédies et les espoirs de notre temps, de notre Terre tant aimée, mal aimée, malmenée. La joie de danser pousse sur le lourd terreau de l'existence. Sondant la gravité de la vie, elle y puise sa force d'envol, sa jubilation.
Jusqu'au grand âge, le corps danseur, forge intime d'espace-temps, entretient sous la braise le foyer de ses flamboyances, qu'un souffle suffit à raviver, à projeter en étincelle d'éternité.