Le tirage au sort ne fut jamais une spécificité des régimes démocratiques. À rebours d’une idée reçue, cette procédure, appelée sors ou sortitio en latin, occupait une place centrale dans la vie publique de la Rome républicaine et impériale, bien que le système politique de cette cité devenue un Empire ne fut jamais une démocratie. Si le recours au tirage au sort était fréquent dans la sphère privée ou dans les sanctuaires oraculaires, il était aussi au cœur du fonctionnement des institutions et servait à sélectionner des citoyens ou à répartir entre eux des fonctions. Ce livre retrace l’histoire, de l’époque médio-républicaine à l’époque augustéenne, de l’un des tirages au sort civiques les plus cruciaux pour la cité romaine : celuides provinces,qu’effectuaient consuls et préteurs en exercice, puis sortis de charge. Cette sortitio permettait de répartirle commandement des armées et les principales tâches juridiques, judiciaires et administratives à Rome et dans l’empire romain entre les magistrats curules, tout en limitant les effets délétères de la compétition aristocratique et la corruption. L’enquête, qui s’appuie sur un corpus mêlant sources littéraires, épigraphiques, numismatiques et archéologiques, cherche à restituer, d’une part,les règles qui encadraient cette procédure, c’est-à-dire l’ensemble des coutumes, lois, sénatus-consultes, qui réglaient l’attribution des provinces par le sort, et, d’autre part, la manière dont le rituel était effectué et perçu. Plus largement, c’est une réflexion sur la place et le rôle qui étaient réservés au hasard dans la vie et la culture politiques romaines, et sur les significations religieuses et sociopolitiques que lui prêtaient les Romains, qui est ici proposée.