Depuis un demi-siècle, toutes sortes de projets destinés à accueillir l’homme, la femme et l’enfant, leurs activités et la communauté tout entière, ont occupé mon esprit : quartiers d’habitat, écoles, hôpitaux, églises, théâtres, collèges, ambassades à l’étranger, bâtiments pour les entreprises et les compagnies d'assurance et jardins d'enfants. Mais rien n’est plus instructif pour un architecte qu’un client qu’il peut voir en chair et en os. Un architecte n’acquiert nulle part autant d’« expérience clinique », comme la qualifierait un médecin, que lorsqu’il voit les membres d’une famille pour laquelle il conçoit une habitation et prend toutes les dispositions matérielles pour que celle-ci ait un long avenir. Le bonheur pour toujours n’est pas facile à assurer, mais il ne peut être atteint que par le plus grand dévouement et la plus grande perspicacité dans la compréhension de ce qui rend les êtres humains heureux – ou de ce qui les perturbe. Un architecte qui applique concrètement les sciences de la vie à la vie elle-même apprend mieux lorsqu’il conçoit des maisons. Cette pratique l’aide et lui permet de développer l’ensemble des autres projets liés à l'être humain. Tout ce qu’il crée est destiné à réaliser le bien-être humain organique. À l’avenir, l’architecture, telle que je l’ai considérée dans le passé, dépendra d’une connaissance approfondie de la nature et surtout de la nature de l’homme, même si elle est envahie par ses créations artificielles brevetées. Nous devons aimer l’être humain et le comprendre si nous voulons le servir. Richard Neutra, Life and Shape, 1962