Alfred Schalck de la Faverie (1857-1921)
"Napoléon n’a jamais mis les pieds en Amérique. Il en eut plusieurs fois l’intention. Et plusieurs fois, au cours de son étonnante carrière, son influence fut prépondérante au-delà de l’Atlantique.
D’une façon générale, les contre-coups réciproques de la politique des deux mondes sur les destinées des peuples américains et sur l’issue des guerres européennes, furent décisifs au début du XIXe siècle. Les événements qui, depuis cent ans, se sont déroulés dans les États-Unis du Nord, les événements qui se préparent dans les républiques du Sud, en ont été et en seront les conséquences directes.
Cette influence de Napoléon sur les destinées des États-Unis et, par contre, l’influence des États-Unis sur la destinée de Napoléon, ou de l’Europe sous l’hégémonie de Napoléon, n’a pas encore, semble-t-il, fait l’objet d’une étude spéciale.
Il paraît donc excusable, malgré l’encombrement de la bibliographie napoléonienne, d’en augmenter encore le nombre par une contribution ayant pour but de faire ressortir les enchaînements historiques, les causes et les effets, tout l’ensemble, enfin, des circonstances qui, issues d’un lointain passé, s’endorment parfois pour se réveiller brusquement au choc de bouleversements réputés imprévus, – telles ces matières brutes et inertes, que l’on croit incombustibles et qui s’enflamment, avec une prodigieuse vitesse, au toucher d’une étincelle.
Dans la période qui nous occupe, Napoléon fut celui qui mit l’étincelle ; son génie consistait précisément à la mettre là où, et comme il fallait. Mais Napoléon, en l’occurrence, n’incarne que le destin qui, à ce tournant de l’histoire, fit se rencontrer les deux mondes sous la pression de problèmes qui attendaient depuis longtemps leur solution."