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grande couv
Cahiers Maria Szymanowska N°4. Les identités au féminin
Collectif
Editeur: Société Maria Szymanowska
13,99 €

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Dans la mesure où l’un des principes de la société patriarcale est fondé sur l’infériorisation du féminin, on ne saurait s’étonner qu’il n’y ait guère d’artistes femmes qui se soient naturellement imposées, tant dans l’historiographie officielle que dans nos héritages symboliques. Si certaines y sont parvenues, ce fut en quelque sorte par effraction et parce que l’évolution anthropologique des genres qui accompagne notre modernité (re)découvre désormais l’importance et la richesse de ces identités au féminin.
En retraçant son enfance coloniale au Mozambique, Isabela Figueiredo constate l’âpreté et l’inanité de toute injonction identitaire essentialiste ou ostracisante. « Les identités comme la mienne, écrit-elle dans nos colonnes, sont nombreuses, un peu marginales, solitaires, déterritorialisées, un peu perdues et sans aucun doute incomprises et indésirées. » L’auteure portugaise invite ici à une réflexion plus globale sur tous les déterminismes, qu’ils soient nationaux, ethniques, culturels ou genrés.
Dans les arts, l’analyse affinée du contexte historique et sociologique du vécu féminin nous confirme que si le genre est une dimension de l’identité, il ne saurait la figer ni en fixer le destin. Pour avoir conquis la liberté d’être la première compositrice-concertiste internationale polonaise, Maria Szymanowska (1789-1831) sait ce qu’elle doit à la Révolution française et à l’éducation libérale dont elle a bénéficié à une époque où bascule le vieux monde. À son instar, toutes les créatrices sont confrontées, en fonction de leur équation personnelle, de leur époque et de leur géographie, à des réalités de conformité sociale et idéologique de nature très diverse. Les parcours de Fanny Hensel, Cécile Chaminade ou Gayane Chebotaryan sont autant d’exemples d’affirmation artistique, au-delà des préjugés genrés et discriminatoires. Les compositrices, peintres et écrivaines illustrent une évidence : la différence est créatrice et on ne s’affirme qu’en créant.
Les formes de singularisation créatrice auraient-elles donc à voir avec le genre ? Des femmes ont toujours pensé et écrit le monde, questionné et contesté la façon dont se sont constituées depuis le néolithique les deux catégories sociales fondamentales que sont celles des femmes et des hommes. Elles continuent de faire de leur parole et de leur pratique des outils d’émancipation qui déjouent le masculin comme universel incontournable. L’identité que ces créatrices incarnent récuse tout repli communautaire ou tentation d’entre-soi. Il s’agit au contraire d’identités polymorphes et évolutives, empathiques, autonomes, ouvertes à la promesse et à la liberté de l’autre. Masculines, féminines, les identités se refondent.