Tandis qu'une certaine conception, disons flaubertienne et techniciste, qui domine les études de stylistique aujourd'hui, l'objet de cet essai est de tenter de redonner à cette discipline sa place dans une compréhension plus large du fait littéraire, qui fasse sa part à la psychologie, l'anthropologie, l'éthologie, etc. Pour cela, la littérature est ici considérée comme une activité parmi d'autres, plutôt que comme une occupation principalement livresque : un phénomène d'écriture-lecture relevant de gestes fondamentaux, tels que la saisie, la capture, l'assimilation, la retenue, etc. Ce parti pris conduit à redonner à l'acte de lecture, le seul qui nous rappelle à la temporalité du sens, toute son importance, et à mettre l'accent sur le schématisme de la chasse qui constitue, parmi les pratiques concrètes, l'une des plus universellement attestées. Dans l'écriture comme dans la lecture, le geste de saisir ne s'exerce qu'en rapport avec son tenseur contraire : un certain être-saisi ; ce qui distingue le discours littéraire est qu'il reste dominé par ce qui l'anime, car sans cette postulation contradictoire, que noue le style, il se révélerait entièrement positif, c'est-à-dire édifiant, rhétorique au sens étroit du terme.