À l'heure où l'on parle de mettre la connaissance au service de l'économie, il est bon de rappeler que les découvertes ne se font pas sur commande et que la diversité est le seul artisan de la progression du savoir. Un certain nombre d'idées réélues, comme la marche linéaire des idées ou l'individualité des découvertes, doit être balayé pour comprendre que le savoir est une construction collective qui ne se concrétise que lorsque tous les éléments sont en présence, dans un ordre déterminé. Ce processus, qu'il ne faut pas bloquer, implique de nombreux retours en arrière et apports par des voies indirectes. L'histoire de la gale est un exemple représentatif de cette marche de la science. Bien que la gale et son ciron soient connus depuis l'Antiquité, leur relation n'est alors ni obligatoire ni spécifique et la position de l'un vis-à-vis de l'autre est instable : est-ce la gale qui donne le ciron ou le ciron qui donne la gale ? Ils ne seront liés irréversiblement qu'à la fin du XIXe siècle grâce au microscope et à l'expérimentation qui vont cerner les éléments de la maladie (cause, contagion, symptômes, thérapeutique) et en reconstituer la chaîne en replaçant chaque maillon comme les morceaux d'un puzzle. Cela dura sept siècles.